« Houris », Madonne, Vierge

 

L’héroïne du roman de Kamel Daoud, prix Goncourt, est une survivante des massacres de Relizane où 1 000 personnes furent égorgées dans la nuit du 2 au 3 janvier 1998.  

Quatre mois auparavant, deux cent km à l’est, avait eu lieu le massacre de Bentalha où deux cent villageois étaient assassinés. Hocine Zaourar y prit une photo qui lui valut le prix World Press photo et que les médias intitulèrent « La Madonne de Bentalha ».

Cette photo inspira le tableau d’Yves Le Borgne qui trône dans l’Eglise Saint-Clément dans le quartier de Cleunay à Rennes, icône que les paroissiens appellent La Pieta et perçoivent comme le Sainte Vierge. Rappelons que le titre du roman, « Houris » désigne des Vierges.

 

Depuis 8 ans que je suis à Rennes, j’y traque, comme partout auparavant, des signes qui font pont avec l’Algérie et, en particulier des Figures d’Afrique du nord dans les églises de Rennes.

Cette prospection a mené par hasard mes pas jusqu’à l’oratoire de l’église de Saint-Clément dans le quartier de Cleunay à Rennes.

Une émouvante peinture m’a immédiatement frappé par sa ressemblance avec la malheureusement célèbre photo de « La Madonne de Bentalha » prise en 1997 par Hocine Zaourar, photo qui reste gravée dans ma mémoire depuis mon passage il y a 20 ans dans ce village martyr.

L’intitulé de « Pietà » m’a été donné par une responsable paroissiale de Saint-Clément. Ce tableau est signé Yves Le Borgne.

Pour vérifier mon intuition j’ai mobilisé de nombreux paroissiens pour savoir si cette peinture rennaise est postérieure à 1997, date de la photo dont je fais l’hypothèse qu’elle l’a inspiré et pour contacter l’auteur, Yves Le Borgne.

Sa peinture a bien été inspirée par la photo du « Massacre à Bentalha » prise le 23 septembre 1997 par Hocine Zaourar dans la banlieue d’Alger

 

La Madone de Bentalha

survivante du massacre de Bentalha, la femme photographiée, Oum Saad, a perdu son frère, sa belle-sœur et son neveu. Hocine Zaourar l’a photographiée dans un hôpital d’El Harrach (Maison Carrée). Les médias internationaux l’ont surnommée plus tard comme La Madone de Bentalha.

 

Massacre à Bentalha 

Dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, deux cent villageois de Bentalha, sont massacrés par le GIA (groupe islamique armé) à quelques centaines de mètres d’une caserne. Bentalha est un village de la commune de Sidi Moussa à 15 km d’Alger.

C’est l’année des grands massacres de villages : un mois auparavant, (28 août 1997), à 2 km de là, dans le village de Raïs 300 personnes étaient massacrées.  Bentalha et Raïs sont sur la commune de Sidi Moussa où Jules Roy passa son enfance et déroule “Les chevaux du Soleil” et en particulier évoque « une femme au nom d’étoile » !

Et deux ans auparavant le grand écrivain revenait à Sidi Moussa fleurir la tombe de sa mère

 

La photo a été publiée dans de très nombreux journaux. Elle valut à Hocine le prix World Press photo … mais aussi de grosses difficultés

Yves Le Borgne a peint ce tableau en 1999 d’après une photo parue dans Le Nouvel Observateur.

 

Ces dernières années, plusieurs photos ayant obtenu le premier prix World Press photo représentent des femmes éplorées par le massacre de proches. Et ces femmes sont du Kosovo, du Yémen, d’Afghanistan et ici, d’Algérie.

Musulmanes, ces femmes, victimes ont été affublées d’un surnom tout chrétien comme La Pietà du Kosovo  (World Press 1990, Georges Mérillon). Comme toute photographie de guerre, ces images posent la question de la monstration, certains disent l’exhibition, de la souffrance humaine, et donc du risque de voyeurisme. Mais par leurs sujets, par ces silhouettes saisies,

ces photos ont pu être catégorisées d’« orientalistes », diffusant un regard occidental sur cet Orient de détresse. « voyorientalistes » ? Plus qu’un prix mondial de la photo, World Press  serait-il un « prix occidental de la photo » ?

C’est l’un des reproches qui fut fait à Hocine en Algérie, tant par le gouvernement que par plusieurs médias. Non publiée en Algérie où elle aurait pu dénoncer les crimes du GIA, elle fut au contraire utilisée par le GIA pour en faire une victime de l’armée et par ailleurs par les tenants du « Qui tue qui ? » qui soulignent et accentuent les responsabilités de l’armée dans ces massacres, particulièrement celui de Bentalha, commis à quelques centaines de mètres d’une caserne

 

«À Benthala où ne fut photographiée qu'une mère emplie de douleur, la mort et tout près d'être esthétisée, elle "pose", pour ainsi dire, quand les bourreaux restent hors champ» (Benjamin Stora in la Guerre invisible. Algérie, années 90, éd. Presses de Sciences Po, 2001, p. 79.

J’ai moi-même eu le triste privilège d’aller à Benthala, grande banlieue d’Alger 3 ans après ce massacre de plusieurs centaines de villageois, dont la famille de cette involontaire « Pieta », dont la photo reste gravée dans ma mémoire

Les figures d’Afrique du nord dans les églises de France….et dans leurs perceptions au Maghreb

 

Des Evangiles du Ier siècle aux béatifications du XXIème, l’Afrique du nord a donné à l’Eglise et à l’Histoire du Maghreb de nombreuses figures. Plusieurs sont présentes sur les lieux de grands pèlerinages.

Les représentations de beaucoup d’entre elle et d’autres, « saints » ou non, décorent nos églises ici. Ces images sont autant de repères dans l’histoire chrétienne comme dans le passé maghrébin.  Elles sont parfois le symétrique de la représentation des mêmes personnages par les cultures actuelles d’Afrique du nord. La succession de ces figures illustre quelques points de deux mil ans d’histoire de l’Eglise, du Maghreb et des relations entre l’Europe et l’Afrique du nord

Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à avoir des liens avec le Maghreb. Ils sont intéressés à découvrir le patrimoine religieux français, l’art sacré et en particulier leurs liens avec l’Afrique du Nord. 

La conférence se situe dans une perspective interculturelle France – Maghreb, de partage de nos héritages avec le plus grand nombre. Elle est illustrée de photos prises dans des églises de France de statues, peintures, noms de personnages (saints ou non) qui sont en lien avec l’Afrique du Nord, par leur origine, par leur apostolat ou par leur mort. Et sur la façon dont ces personnes sont considérées aujourd’hui dans les cultures du Maghreb : quelques-uns de ces exemples en effet, montrent l’attachement de beaucoup de Maghrébins à la pluralité de leurs héritages et à la diversité religieuse de leur pays (c’est le thème d’une autre conférence).  C’est un des fils, tenu, avec lesquels peuvent se tisser des liens, dans notre société, dans sa diversité, et à travers notre Méditerranée.

Le 5 Juin 2018 une quarantaine de personnes ont participé à cette causerie échange  avec les Amis de la bibliothèque diocésaine de Rennes, plusieurs amis musulmans et des spécialistes d"art sacré"

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